Se généralisent actuellement dans notre pays les zones à faibles émissions (ZFE). Leur but est de garantir dans nos villes une bonne qualité de l'air. Le principe est d'y interdire la circulation des véhicules les plus polluant (vignette Crit air 3 à 5). Pour ne pas pénaliser les ménages les plus modestes le gouvernement augmente la prime à la conversion permettant en théorie aux plus modestes de changer de véhicule pour pouvoir continuer à accéder à ces ZFE.
Si l’on regarde les limites des futures ZFE on s’aperçoit qu’elles sont larges et englobent de vastes zones urbaines. Pour le Grand Paris on parle de toutes les communes situées dans le périmètre intérieur de l’A86. Tous ceux qui y habitent vont devoir choisir de se passer de voiture, ou investir dans une voiture compatible ZFE s’ils veulent pouvoir rentrer chez eux. Bien sûr des aides importantes sont prévues pour permettre en théorie à tous de pouvoir investir dans un véhicule « propre ». Dans les véhicules qui seront ainsi mis au rebut il y en a sans doute pas mal qui auraient pu encore rouler plusieurs années. Plutôt que de les remplacer prématurément à grand coût pour la collectivité ne serait il pas plus malin de permettre à leur propriétaires de les utiliser pour leurs déplacements extra-urbains tout en utilisant les transports en commun ou les modes alternatifs en zone urbaine.
Du coup que faut-il faire ? Mettre beaucoup d’argent public pour permettre à tous d’acquérir un véhicule propre et installer des moyens de contrôles très coûteux et sophistiqués (on parle de portiques de surveillance automatique pour les ZFE)? Ou interdire purement et simplement tout véhicule privé dans les centres villes ?
La première option sera très coûteuse pour le budget de la nation et ne résoudra aucune des autres nuisances liées à la circulation automobile en centre ville : bruit, encombrements, perte de place notamment. Et va être très coûteuse en surveillance et contrôle de la population.
La seconde sera très efficace pour la qualité de l’air, mais aussi pour fluidifier les déplacements doux ou alternatifs dans des centres villes débarrassées des voitures privées. L’argent public pourra être plus efficacement utilisé pour développer des pistes cyclables sécurisées et des réseaux de transports en commun performant. Et notre consommation d’essence ou d’électricité sera bien moindre si nous privilégions les déplacements doux et collectifs que de continuer à utiliser des véhicules, même « super propres », dans nos centres villes.
Une mesure d’interdiction générale des véhicules privés individuels dans les centres urbains denses, a t’elle des chances d’être bien acceptée socialement ? Il me semble qu’une majorité des français serait favorable à cette mesure, pourvu qu’elle soit généralisée, s’applique vraiment à tous et s’accompagne d’un vrai réaménagement des zones urbaines concernées. En ces périodes de pouvoir d’achat contrarié, le renoncement à la voiture individuelle dans les zones urbaines où des solutions alternatives existent déjà, est un levier d’économie très important pour les ménages. Dans la liste des nombreuses modifications qu’il va falloir faire dans nos modes de vie pour réduire significativement nos consommations d’énergie fossiles, réduire nos émissions de GES et améliorer la qualité de l’air dans villes, le renoncement à la voiture individuelle dans les centres villes denses est probablement celle qui peut être mise en œuvre très rapidement et qui impactera le moins la vie des gens, du fait que, dans ces zones, les solutions alternatives existent déjà. La majorité des ménages parisiens n’a déjà plus de voiture individuelle.
En supposant qu’on décide d’aller dans ce sens, quelles devraient être les modalités d’applications concrètes ?
Il faudra déjà préciser le zonage des zones interdites. Il faut commencer par les centres villes denses. C’est une bonne cible de début car ce sont des zones souvent de taille modeste, où les distances sont faibles adaptées à la marche ou au vélo, et normalement déjà bien équipées en transports en commun. Enfin ce sont des zones où vivent de nombreuses personnes qui sont demandeuses d’une ville apaisée avec un air de qualité.
Il faut décider ensuite quels sont les véhicules qui sont interdits dans ces centres villes denses. Selon moi cela ne doit concerner que les véhicules privés des particuliers quels qu’ils soient, indépendamment de leur niveau d’émissions. Mais il faut permettre aux résidents de ces zones interdites d’y entrer pour y garer leur voiture qu’ils utiliseront pour sortir de la ville. On n’oblige donc personne à changer de voiture, contrairement à la réglementation ZFE qui s’annonce où les résidents seront obligés de changer de voiture même s’ils ne l’utilisent jamais pour circuler en ville, mais plutôt pour les déplacements de loisirs vers l’extérieur.
Les véhicules professionnels seront bien sûr toujours autorisés pour les artisans ou les professions libérales qui font du domicile, les commerçants, les taxis qui travaillent dans ces centres villes denses. C’est eux qu’il faut en priorité accompagner pour investir dans des véhicules propres plutôt que les particuliers. Et il faut poursuivre le développement des transports en commun. Mais si les centres villes sont débarrassés des véhicules privés, ça libère beaucoup de place pour les déplacements doux et collectifs.
Enfin on peut espérer qu’en commençant par interdire les voitures en centres villes, les pratiques de mobilités évoluent sur l’ensemble de la zone urbaine. Les gens étant obligés de finir leur déplacement vers le centre urbain sans voiture, ils auront tendance à la laisser chez eux de plus en plus souvent pour utiliser les transports en commun ou les vélos (il en existe maintenant une grande diversité) depuis leur domicile. Pour les ruraux il faudra prévoir des grands parking relais bien desservis en transports en commun aux entrées des zones urbaines.